Bien que fondés l'un et l'autre sur la conception propre à la modernité que les hommes sont des êtres rationnels et autonomes, et que, de ce fait, les relations politiques aussi bien que les échanges économiques peuvent et doivent être contractualisés, le libéralisme et le républicanisme s'opposent philosophiquement sur la place respective de l'Etat et de la société civile dans l'organisation et la direction de la vie collective. Pourtant, notre siècle et plus particulièrement ses dernières décennies montrent que, dans la pratique, principes républicains et principes libéraux se concilient et se combinent selon une logique souvent paradoxale. En effet, le développement de l'Etat-providence voit les droits-créances recouvrir de plus en plus les droits-libertés et, plus généralement, les comportements de l'homo-oeconomicus subvertir et transformer les comportements du citoyen sans pour autant les oblitérer totalement. Les comportements à l'intérieur de la communauté politique sont de plus en plus normés et orientés par l'individualisme ou le corporatisme stratégique et utilitariste, si bien que la signification originale de la citoyenneté s'érode au moment même où la crise de la société civile rend nécessaire le recours à l'éthique de la responsabilité et de la solidarité civiques.