Les résultats décevants des programmes d'ajustement structurel peuvent s'expliquer en partie par l'échec de la mise en oeuvre des réformes prévues, dû à des contraintes socio-politiques. La nouvelle économie politique permet d'endogénéiser les variables politiques dans l'analyse du processus de réforme : un cadre d'analyse théorique est développé, à partir du modèle de Frey et Eichenberger (1992) fondé sur la théorie des choix publics, pour caractériser les stratégies de court terme et de long terme d'un régime non démocratique. Il est mobilisé pour analyser le processus de réforme du secteur sucrier au Maroc. Ce modèle permet de formaliser la nature du marché politique et les médiations entre la monarchie marocaine et la société civile et d'explorer la rationalité politique des choix économiques poursuivis depuis l'indépendance du Maroc, en particulier celui de la mise en place d'une industrie sucrière presque entièrement contrôlée par les pouvoirs publics. Puis la filière sucre est minutieusement décrite dans un cadre structure-conduite-performance. Les groupes d'intérêt au sein de la filière sont identifiés en fonction des rentes qu'ils peuvent s'approprier, de leurs moyens d'action et de leur influence. Cela permet de caractériser les stratégies de résistance des groupes durant la phase de mise en oeuvre de la réforme du secteur sucre ainsi que la stratégie du gouvernement qui répond à la double contrainte politique interne (les groupes d'intérêt) et externe (les bailleurs de fonds internationaux) par une altération des mesures prévues afin de maintenir son soutien politique tout en minimisant les coûts. On montre que, dans un régime non démocratique caractérisé par l'absence de canaux d'expression et d'information suffisamment transparents, l'opposition des groupes se manifeste plus durant la mise en oeuvre qu'au moment des négociations avec la Banque mondiale et qu'elle peut amener à des déformations importantes des mesures spécifiées dans certaines conditions.