Introduites depuis une trentaine d'années en France dans les moeurs politico-journalistiques, les enquêtes d'opinion par sondage ont été comme intégrées au fonctionnement ordinaire du champ politique. Elles ne donnent plus guère lieu aujourd'hui qu'à des critiques politiques et/ou techniques marginales et superficielles qui sont, de ce fait, aisément réfutables par les spécialistes des sondages. Le succès médiatique des nouveaux spécialistes de l'"opinion publique" explique sans doute pour une part le faible écho que rencontrent les critiques de fond, plus difficiles à comprendre, qui pointent les insuffisances de cette technique d'enquête issue des sciences sociales et utilisée de façon particulièrement sommaire. Pour l'auteur, les sciences sociales ont des tâches plus utiles à accomplir que de faire poser en permanence, par des vacataires pressés, des questions qui n'intéressent guère que ceux qui les font poser. Les sciences sociales doivent plutôt se donner les moyens de saisir réellement les situations des gens, et ce qu'ils ont effectivement dans la tête, au lieu de participer à ce qui n'est souvent qu'une opération de mystification, voire de narcissisme politique, qui consiste, pour les dominants, à s'assurer que les dominés les trouvent médiatiquement "bons".