L'anthropologie visuelle englobe dans le même questionnement la culture observée et la culture observante ; l'analyse des images y est appelée à fonctionner en rebond, autant sinon plus, comme l'analyse de l'analyste. Cette analyse en miroir des représentations a une réelle portée épistémologique, si bien que les sciences de l'homme renouvellent, avec une dimension empirique essentielle, les grandes questions de la philosophie des sciences. L'image, particulièrement photographique, pourrait bien décupler la portée de ces questions. Il ne s'agit nullement de revaloriser les images au détriment du texte, de les jouer contre l'écriture, comme si l'on pouvait attendre autre chose qu'une régression d'un tel retournement. L'ambition serait plutôt de cultiver le lien originel aux images, dans le cours même du travail intellectuel, afin de pouvoir à tout moment retourner à la vision ce puissant moteur créatif. L'auteur parle essentiellement du portrait, et même plus particulièrement du "portrait documentaire", ce mode de représentation qui vise à donner une image descriptive, réaliste, souvent revalorisante, des membres d'un même groupe ou d'une même société. Il retrace une petite histoire de la photographie vue par l'envers des images anonymes. Il s'agit, en effet, d'une catégorie d'images à vocation sociale, porteuse d'ambitions descriptives et/ou normatives liées à des enjeux collectifs, inscrite dans le débat social, voire intervenant directement dans l'action politique.