Par le programme de privatisation, le gouvernement tchèque visait essentiellement l'émergence de propriétaires responsables. Conformément à la théorie des droits de propriété, ces derniers devaient prendre en charge la restructuration de leurs actifs, dans le sens d'une adaptation aux nouvelles conditions nées de la transition. La thèse défendue ici est que l'appropriation économique est réalisée principalement par les managers et rarement par les propriétaires qui se contentent de l'appropriation juridique. D'une part, la plupart des propriétaires n'ont pas toujours conscience de leurs nouveaux droits et n'ont pas les moyens juridiques ou financiers de les exercer, à l'exception des investisseurs étrangers, détenteurs de capitaux et de technologie, et d'une minorité d'ayants droit souhaitant prendre une revanche sur le passé. D'autre part, les managers héritent du système antérieur une bonne connaissance de l'entreprise, un accès à l'information, une insertion dans des réseaux de relations personnelles facilitant la gestion de l'entreprise. Tous ces éléments viennent diminuer le risque et l'incertitude caractérisant la transition, du fait de marchés encore embryonnaires. Les managers possèdent alors un pouvoir économique. Ils peuvent décider des restructurations productives et institutionnelles à réaliser, agissant souvent comme des propriétaires, les intérêts de ces deux groupes convergeant dans ce début de restructuration. La faiblesse des ressources des managers et la volonté de l'Etat de privatiser rapidement conduisent à des privatisations avec de nombreuses participations croisées dans lesquelles l'Etat joue un rôle important, même s'il est discret. La privatisation aboutit alors à ce que l'on appelle un pseudo-capitalisme managérial combiné, qui pourrait évoluer en un capitalisme managérial spécifique des pays de l'Est.