Au début du 19e siècle, la société rurale pèse beaucoup plus lourd que la société urbaine, mais son fonctionnement, encore dominé par le système du mariage établissement, a reçu un premier ébranlement avec la Révolution française. Cette société rurale reste, en 1902, bien vivante et même démographiquement dominante, mais elle a perdu beaucoup de sa puissance relative : dans son terreau, une autre société, en pleine expansion, la société urbaine et industrielle, puise sa sève, en attendant de pouvoir l'étouffer. Au recensement de 1806, la France, dans ses limites actuelles, compte 24 millions et demi de ruraux et 5 150 000 citadins, à celui de 1901, elle compte 23 900 000 ruraux et 16 780 000 citadins. Ce changement spectaculaire des rapports de poids n'est nullement le résultat d'une croissance naturelle différentielle mais, bien plutôt, celui de l'exode rural qui a alimenté, pour l'essentiel, la formidable croissance urbaine du 19e siècle. Cet exceptionnel bouleversement de l'équilibre général de la société s'est traduit par une mobilité sociale accrue, un changement radical de l'équilibre des métiers. Les auteurs tentent donc d'explorer les structures de la société française et de reconnaître les processus majeurs de la mobilité professionnelle, pour la période 1803-1902, à l'aide du corpus de 47 100 actes de mariage collectés par des correspondants bénévoles, informatisés par les services de l'INED et exploités à l'INRA.