Connaître ? Agir ? Interagir ? - INRAE - Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement Accéder directement au contenu
Article Dans Une Revue Natures Sciences Sociétés Année : 2015

Connaître ? Agir ? Interagir ?

Résumé

Plusieurs textes de ce numéro nous interpellent à pro-pos de la connaissance, de ses processus de construction, des cadres conceptuels qui l'organisent, de sa formalisa-tion par les modèles, de son appropriation par le sens commun ou l'action publique… Les processus de connaissance sont à l'arrière-plan du travail de recherche. Pour nous, ils sont également à la base des-et, pourrait-on dire plus fortement encore, en jeu dans les-tentatives de dépassement des démarches disciplinaires auxquelles nous sommes si attachés à NSS. Mais s'en tenir à une posture interdisciplinaire fondée sur une confrontation des points de vue disciplinaires fait l'impasse sur les limites intrinsèques à toute démarche de connaissance. Une approche interdisciplinaire peut être ainsi victime d'une certaine cécité et elle doit pour le moins être consciente de ses limites. La transdisciplina-rité, au sens d'une intégration et d'un dépassement des disciplines, est-elle une alternative qui peut être mise en pratique (voire qui doit l'être) ou simplement un cadre de référence ultime, une sorte de « point oméga » permettant de mieux comprendre les ressorts cognitifs qui sont à l'arrière-plan de l'interdisciplinarité, afin de pratiquer celle-ci de façon plus réflexive ? Toute connaissance procède de la perception que nous avons du monde, nous rappellent Jean-Pierre Bréchet et Gérard Gigand dans leur article, rendant ainsi explicite que nous construisons la connaissance sur l'inconnaissabilité radicale qu'engage notre présence au monde. Ils proposent une ingénierie représentationnelle en recourant à un appareillage intellectuel basé sur un schéma ternaire (incomplétude, autoréférence et indéter-mination) pour comprendre et traiter la réalité phénomé-nologique. C'est effectivement une posture essentielle, car le monde qui nous entoure n'existe que par la façon dont nous le percevons et dont nous concevons nos interactions avec les êtres et les objets qui le composent. Et ce sont ces interactions qui construisent la dynamique de nos perceptions de l'existant. Cela est particulièrement vrai dans nos relations avec les autres êtres vivants, humains certes, mais également avec notre environnement bio-physique au sein duquel nous agissons, vivons, pensons 1. Nous ne percevons ce monde qu'à partir de ce que nous sommes, c'est-à-dire des interactions, des relations que nous sommes capables de construire avec les bêtes, les gens, les choses qui le constituent, et à partir des intentions avec lesquelles nous entrons en relation. Une telle posture conduit à revoir les distinctions usuelles entre action et connaissance, comme entre « technê » et « epis-têmê ». Et si, justement, il n'y avait pas de différence subs-tantielle entre agir et connaître, à partir du moment où ils procèdent l'un et l'autre des interactions que génère toute praxis, celle-ci étant une expérience singulière de notre rapport aux autres, au monde biophysique et aux transformations ainsi engendrées ? C'est d'ailleurs ce à quoi nous invitent également ceux qui distinguent 2 les connaissances établies (knowledge), enseignables et trans-missibles, et les connaissances en train de se produire au cours de l'action (knowing), pour les appeler à interagir dans le cadre d'une danse créative (generative dance) à l'origine de l'inédit, du nouveau, du changement… Ce sont dans les interactions que cette dualité émerge, et plus particulièrement lors des échanges réitérés entre les dif-férentes connaissances, par exemple les connaissances scientifiques du chercheur, les connaissances techniques des praticiens et les savoirs en action des responsables administratifs ou politiques en charge de la gestion d'une situation ; cette dualité émerge également lors des élabo-rations collectives et lors des échanges de points de vue entre ces différents acteurs, chercheurs et non-chercheurs. Ce sont toutes ces interactions qui engendrent des conditions nouvelles et donc une situation nouvelle. Dans son texte publié dans ce numéro, Marc Mormont nous rappelle que John Dewey va même jusqu'à préférer parler de « transaction » afin de dépasser la notion d'interaction 1 Voir, par exemple, Hubert, B., 2004. Pour une écologie de l'action. Savoir agir, apprendre, connaître, Paris, Éditions Arguments. 2 Comme Cook, S.D.N., Brown, J.S., 1999. Bridging epistemo-logies: the generative dance between organizational knowledge and organizational knowing, Organization Science, 10, 4, 381-400. Article publié par EDP Sciences

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Dates et versions

halshs-01185751 , version 1 (27-05-2020)

Identifiants

Citer

Bernard Hubert, Catherine Aubertin, Jean-Paul Billaud. Connaître ? Agir ? Interagir ?. Natures Sciences Sociétés, 2015, 23 (2), pp.95-96. ⟨10.1051/nss/2015032⟩. ⟨halshs-01185751⟩
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