Ayant perdu, avec la révolution technique agricole d’après-guerre, l’essentiel de ses justifications techniques, économiques et légales d’origine, l’objet « bocage » focalise aujourd’hui le débat sur l’opposition entre le statut privé de l’espace agricole, et l’origine publique des injonctions en matière d’usage et d’entretien au nom des aménités positives générées par les haies. Notre étude repose sur des enquêtes ethnographiques menées en Ille-et-Vilaine, portant sur l’évolution du lien entre l’entretien et les usage des ressources végétales bocagères depuis 60 ans, puis sur l’inventaire critique d’actions contemporaines en faveur de replantations de haies. Les tentatives de médiation entre société civile et agriculteurs témoignent de la recherche de voies médianes inédites, multiformes, mais relevant d’une notion de partage des enjeux environnementaux suscitée par une réalité spatiale et temporelle commune. Cette analyse offre l’occasion de retraverser deux paradigmes explicatifs de la trajectoire agricole française du vingtième siècle : celui d’une société paysanne et d’une société englobante relativement étanches l’une à l’autre en matière de fonctionnement social et technique, et en perpétuelle négociation de leurs interactions économiques et légales ; celui du modèle linéaire de progression technique de l’agriculture vers un modèle « de progrès » fondé sur la maximisation du profit tiré de la propriété privée des moyens de production, dont le foncier.